Russie, Chine, Iran : les liaisons dangereuses
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Alors que la guerre se poursuit en Ukraine plus d’un an après le début de l’invasion russe et qu’aucune perspective d’issue à ce conflit ne se dessine, les yeux sont de plus en plus tournés vers la mer de Chine, épicentre actuellement des tensions entre Pékin et Washington.
Les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie, pays membres du "Quad", ont exprimé ce vendredi leur inquiétude concernant la militarisation des eaux autour de la Chine. Le Quad (pour "Quadrilateral security dialogue") est une alliance stratégique informelle initiée en 2007 puis relancée dix ans plus tard pour contrer l’influence militaire et économique croissante de l’empire du Milieu dans la région.
Depuis plusieurs années, les États-Unis et la Chine multiplient les manœuvres militaires en mer de Chine méridionale, route-clé du commerce maritime mondial, parmi les plus riches en ressources et biodiversité sous-marine. La zone est revendiquée dans sa quasi-totalité par Pékin, ce que contestent plusieurs pays voisins comme les Philippines, la Malaisie, Brunei, l’Indonésie, Singapour et le Vietnam, qui veulent en contrôler certaines parties.
"Nous nous opposons fermement à toute action unilatérale visant à modifier le statu quo ou à accroître les tensions dans la région", indique la déclaration conjointe du Quad. "Nous exprimons notre vive inquiétude face à la militarisation d’éléments contestés, à l’utilisation dangereuse de navires de garde-côtes et de milices maritimes, ainsi qu’aux efforts visant à perturber les activités d’exploitation des ressources offshore d’autres pays", ajoute le texte.
La Chine n’est pas nommée explicitement. Mais Pékin voit d’un mauvais œil le Quad, perçu comme un outil des États-Unis dans la région pour endiguer son influence dans cette zone stratégique où les incursions et les accrochages se multiplient. Le contrôle chinois de cette mer lui permettrait d’étendre sa zone maritime, alors que des bases militaires américaines se situent au Japon, en Corée du Sud, mais également sur l’île de Guam ou aux Philippines, où les Américains vont ouvrir quatre nouvelles bases militaires essentiellement au nord de l’archipel.
Depuis un an, les États-Unis renforcent en effet leurs systèmes d’alliances avec les pays de la région, déploient des troupes dans les zones stratégiques, passent des accords de coopération et multiplient les exercices militaires conjoints. Ainsi vient de débuter dans la région l’édition annuelle "Cobra Gold", un des plus importants exercices militaires d'Asie, réunissant des milliers de soldats venus des États-Unis, de Thaïlande et d'autres pays asiatiques (Singapour, Indonésie, Malaisie, Corée du Sud, et Japon).
Alors que se passe-t-il en mer de Chine ? Les États-Unis et la Chine se préparaient-ils à un affrontement dans le Pacifique ? Cette montée des tensions entre les deux premières mondiales inquiète dans un monde de plus en plus incertain où la menace nucléaire est brandie régulièrement par la Russie et alors que le programme nucléaire iranien se rapproche du seuil de la bombe d’après l’AIEA. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dont le directeur se rend en Iran ce vendredi, a détecté dans le pays des particules d'uranium enrichi à 83,7 %, soit juste en deçà des 90 % nécessaires pour produire une bombe atomique, selon un dernier rapport.
Et si l’on en croit les déclarations du département américain à la Défense, Téhéran n’a jamais été si proche du but. Par ailleurs, le régime est mis en cause par les Américains pour ses liens avec la Russie, notamment ses livraisons de drones et de munitions dans la guerre en Ukraine. La république islamique d’Iran qui affiche dès qu’elle le peut sa proximité avec la Chine, elle-même en plein rapprochement avec Moscou. Hier au G20, la Russie et la Chine ont notamment accusé les pays occidentaux d’avoir recours au "chantage" et aux "menaces" pour imposer leurs vues.
Dans ce contexte de reconstitution des alliances autour du conflit russo-ukrainien, et de transformation de la carte géopolitique, le chef de l’État effectue une tournée en Afrique centrale. Après le Gabon, il est attendu ce vendredi en Angola. Car cette ancienne colonie portugaise, riche en pétrole, correspond à l'ambition d'Emmanuel Macron de rompre avec la Françafrique en diversifiant les partenariats, en dehors du pré-carré historique où les revers politiques et diplomatiques s'accumulent sur fond d’une progression du sentiment anti-français alimenté par des campagnes de désinformation menées par le groupe russe Wagner.
Nos experts :
- Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques et auteur de "50 idées reçues sur l'état du monde"
- Armelle Charrier, éditorialiste en politique internationale - France 24
- Sylvie Bermann, diplomate, ancienne ambassadrice de France en Chine, au Royaume-Uni et en Russie, auteure du livre "Madame l'ambassadeur : De Pékin à Moscou, Une vie de diplomate"
- Pierre Haski, chroniqueur international - France Inter et L’Obs
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé