Enfant adopté : toutes vos questions
La maison des Maternelles- 5 min 48 s
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LMDP- Est-ce normal pour un enfant adopté qui a retrouvé sa famille naturelle de ne pas vouloir avoir de contact avec eux ?
Professeur Pierre Lévy-Soussan- Bien sûr car les liens du sang ne disent rien quant à la qualité du lien. Ce qui dit quelque chose sur la qualité d’un lien ce sont justement les liens psychiques.
Donc psychiquement beaucoup d’enfants ou d’adolescents adoptés n’ont strictement aucune envie d’en savoir plus. Ils peuvent juste vouloir savoir à quoi leur famille ressemble et point à la ligne. D’autant plus que la famille de naissance est marquée par une histoire d’interruption de filiation. Parce que derrière un abandon il y a la volonté de ne pas vouloir avoir de filiation avec cet enfant, c’est-à-dire : "Je n’aurai pas de futur avec toi et tu en auras un ailleurs." Ce qui va se construire ailleurs est quelque chose de l’ordre de la filiation psychique avec des parents pour toujours. Donc ce n’est pas la même chose des parents pour toujours que des parents de naissance qui ont été parents que jusqu’à la naissance.
Il ne faut pas culpabiliser de ne pas vouloir approfondir les liens avec les parents de naissance sans ça l’enfant risque d’entrer dans un conflit de loyauté et de ne pas s’en sortir.
J’ai appris à 15 ans que j’avais été adopté et je l’ai très mal vécu. Mon adolescence a été chaotique et aujourd’hui encore tout me ramène au statut d’enfant adopté, abandonné ? Comment se reconstruire ?
Il faut dire l’histoire de l’adoption car si on ne le dit pas cela veut dire qu’on en a honte. Et si l’enfant sent que c’est une histoire honteuse chez les parents, lui-même aura des origines honteuses. Donc Luis, qui nous a écrit, a raison de ce l’être pris en pleine figure et d’en vouloir à ses parents pour ça. Ce qui est remis en cause ici, c’est d’où vient cette honte ?
Parce que l’abandon est quelque chose qui existe depuis la nuit des temps, donc il n’y a aucune honte à s’inscrire dans une histoire qui est le propre de l’humain. Ensuite il va falloir comprendre ce champ parental qui dit quelque chose des origines douloureuses, mais du coup ça veut dire que les parents parlent d’eux-mêmes et non pas de l’enfant. Ce que l’on interroge toujours c’est l’ici et le maintenant de la famille, parce que c’est là que se situe les questions et que se situent les réponses et pas ailleurs.
Ma fille de 12 ans adoptée en Haïti commence à prendre ses distances. Dois-je anticiper et lui proposer de consulter un spécialiste ?
Ce sont les parents le repère. Si eux-mêmes sentent qu’ils sont en difficulté oui, allez consulter ! Et parfois en 1 ou 2 consultations ça relance les choses. Parfois on peut réassurer les parents du fait qu’il est normal que leur enfant leur en veuille. Ce que j’appelle les destins de l’agressivité et de la haine, c’est normal que les parents se le prennent en pleine figure. Ils sont là pour ça. Comme dans toute famille, sauf que dans l’adoption on va augmenter le volume comme j’aime à dire.
La simple phrase des parents : "Avec tout ce qu'on a fait pour toi voilà comment tu nous remercies." Cette phrase banale qui rend tout le monde plus ou moins névrosé. Dans le champ de l’adoption cette phrase fait l’effet d’une bombe. La dette que doit avoir l’enfant envers les parents est une dette de vie pas de survie. Et si les parents font tous les jours payer à l’enfant, là ça ne va plus du tout.