La mort du loup
La France en Vrai - Paris Ile-de-France- Documentaires
- 2023
- 1 h 27 min
- indisponible
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Jacqueline Jencquel a programmé sa mort. Face à la caméra de l'un de ses trois fils, cette mère et grand-mère de 74 ans, militante pour le suicide assisté, décoche ses arguments avec assurance... jusqu'à ce qu'un événement vienne bousculer son calendrier.
La mort du loup
Printemps 2018. Jacqueline Jencquel, 74 ans, mène une vie confortable dans un grand appartement parisien à Saint-Germain. En dehors de quelques douleurs de son âge, cette mère et grand-mère est en bonne santé. Mais voilà, Jacqueline a décidé de mourir. La militante pour le suicide assisté crée le buzz dans les médias en annonçant qu’elle mettra un terme à sa vie en janvier 2020.
Dans cet intervalle de temps qui se réduit inexorablement, elle fait face à la caméra de l’un de ses trois fils, celui du milieu. Jacqueline se raconte frontalement et fait exploser les tabous autour de la mort, de l’amour, du désir, de la maternité. Elle repousse « la date » pour vivre un dernier printemps, un dernier été. Mais quand la naissance d’un petit-fils s’annonce, l’apparente solidité de Jacqueline vacille et elle repousse encore sa mort.
Le temps s’étire dans ce sursis durant lequel le fils capte, comme un supplément d’âme, les moments que Jacqueline offre aux siens, à elle-même, à son combat.
Note d'intention
Le tournage du film débute avec une vidéo controversée de Konbini News sur Facebook, qui a été visionnée plus de 18 millions de fois à ce jour. Dans cette vidéo, ma mère parle de ses projets de suicide tout en plaisantant et en usant de séduction avec le jeune journaliste qui l'interviewe. Mais même si cet événement est l’étincelle du film, celui-ci avait en vérité commencé beaucoup plus tôt. Je filmais ma mère par intermittence depuis de nombreuses années. Après cette interview, quelque chose a cependant changé. Elle est devenue une célébrité du « suicide assisté ». Les gens l'arrêtaient dans la rue, des journalistes, des cinéastes et des metteurs en scène lui rendaient visite et s’intéressaient à elle. Elle appréciait cette attention soudaine, qui la confortait dans ses convictions.
Pour mon père, mes frères et moi, cela faisait déjà plus de dix ans qu'elle annonçait sa propre mort. À l'époque, elle était encore vice-présidente de l'ADMD, l'Association française pour le droit de mourir dans la dignité. Ses annonces étaient devenues si récurrentes qu'aucun d'entre nous ne les prenait plus au sérieux. Lorsqu'elle fit part publiquement de ses intentions, grandit en moi la crainte qu'elle soit finalement sérieuse et un sentiment d'urgence me submergea. Le processus de réalisation de ce film me donnait à passer plus de temps avec elle, à échanger sur ses projets avec une franchise inhabituelle. C'était en quelque sorte une manière de l'immortaliser – pour moi, pour ma fille, pour ses autres petits-enfants. J'étais conscient de la futilité de mon objectif et avais toujours à l'esprit les mots de Susan Sontag : « Toutes les photographies sont des memento mori. Prendre une photo, c'est s'associer à la condition mortelle (…) d'un autre être. »
Avec le temps, quelque chose d'autre s'est mis en route. À plusieurs reprises, j'ai vu ma mère se faire aborder par des hommes et des femmes partageant les mêmes idées qu’elle et qui envisageaient de mettre fin à leurs jours. Contrairement à elle, nombre d’entre eux souffraient de maladies graves en phase terminale. Malgré cela, ils ne parvenaient pas à parler de leur projet à leur famille. C'est aussi pour elles et eux, ainsi que pour leurs enfants et leurs proches, que j'ai voulu réaliser ce film. J'espère qu'il offrira un nouveau regard sur un sujet encore tabou.
Enfin, même si la toile de fond du film est le suicide assisté, je souhaite que ce film soit aussi une célébration de la vie. Pour citer les paroles de Guy Lombardo et l'une des chansons préférées de ma mère, voici ce que j'aimerais que les spectateurs retiennent : « Prends du bon temps, il file si vite. »
Réalisé par : Tuki Jencquel
Produit par : AC Films / Point du Jour - Les Films du Balibari / Orinokia Filmproduktion / France 3 Paris Île-de-France