Mon fils souffre de troubles bipolaires
La maison des Maternelles- 11 min 17 s
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Un quotidien insoutenable
Dès tout petit, Stanislas est un enfant agité, difficile. Ses parents mettent d’abord cela sur ses problèmes de santé : il a été hospitalisé plusieurs fois. Mais après ses 2 ans, les crises continuent : des colères explosives de plus d’une heure, plusieurs fois par jour. Chaque geste du quotidien est un combat : prendre le bain, mettre son manteau... Laëtitia et son conjoint l’éduquent pourtant comme sa grande sœur, Atsuki, qui n’a jamais posé problème.
Peu à peu, d’autres symptômes s’ajoutent au tableau : Stan a des TOC, des manies étranges. Il est aussi beaucoup plus sensible aux odeurs, aux bruits, et à la chaleur que les autres enfants. Plus il grandit, plus les crises s’amplifient :
« Il se transformait physiquement pendant les crises : ses yeux tournaient, sa voix devenait rauque. Il y a eu beaucoup de violence physique et verbale. À l’époque j’étais couverte de bleus car j’essayais de le contenir pendant les crises pour qu’il ne se blesse pas et ne casse pas tout autour ! »
Stanislas passe d’un état émotionnel à l’autre extrêmement vite : il peut avoir de grands élans affectifs envers ses parents après une crise, ce qui les déstabilise d’autant plus. Ils consultent des professionnels, mais aucune piste n’aboutit réellement : on leur parle de précocité, de TDAH, de suspicion d’autisme... D’abord démunis de ne pouvoir aider un enfant qui semble lui aussi en grande souffrance, ces parents – à bout – commencent à atteindre leurs limites :
« À un moment donné, on est tellement épuisé qu’on bascule... On finit par ne plus aimer son enfant, et c’est ça qui est le plus difficile. »
La découverte de la bipolarité juvénile
Aux 5 ans de Stanislas, Laëtitia découvre par hasard l’association Bicycle qui soutient les familles dans les troubles de l’humeur des enfants et des adolescents. Alors qu’elle ignorait son existence, elle apprend que la bipolarité juvénile existe : elle n’a juste pas les mêmes manifestations que la bipolarité chez l’adulte. Elle reconnaît tout de son fils dans les témoignages, c’est une révélation. Peu de temps après, un événement violent la pousse à passer le pas et à consulter :
« On rentrait de la garderie, il a vu une voiture arriver sur la route et il a voulu se jeter dessous. La voiture a pilé. Sur le coup ça semblait être une impulsion, mais en reparlant après avec lui en fait il voulait mettre fin à ses jours, il nous disait : « Vous seriez mieux sans moi ». Ça m’a fait un électrochoc. »
En février 2015, Laëtitia obtient enfin un rendez-vous au CTAH (Centre des Troubles Anxieux et de l’Humeur) à Paris : la famille y rencontre une psychologue et un psychiatre qui n’ont aucun doute sur le diagnostic de Stanislas et confirment les intuitions de sa maman.
Retrouver l’équilibre
Suite à ces rendez-vous, un antiépileptique (qui peut également jouer le rôle de régulateur de l’humeur) est prescrit à faible dose pour Stanislas. Le début de la médication est un cap difficile à passer pour Laëtitia :
« Il y a les remarques extérieures genre : « Tu drogues ton enfant » et c’est très dur même pour soi d’accoler le nom de son fils de 5 ans avec le mot psychiatrie. Aucun parent n’a envie de psychiatriser son enfant. Et puis donner un médicament c’est aussi vraiment admettre que l’amour ne suffit pas. »
Deux ou trois mois après le début du traitement, Laëtitia repère néanmoins des changements flagrants dans l’attitude de son fils. Elle nous raconte ce moment de bascule le jour où toute la famille refuse une aide à Stanislas pour un jeu :
« Je m’attends à une explosion... mais non, il file dans sa chambre et pleure. Je l’ai alors rejoint, je lui ai dit : « C’est extra ! Tu as pleuré, c’est génial ! ». Surpris d’abord, il a ensuite compris et il a dit : « Oui, j’ai choisi la bonne émotion ». Avant ça, je ne le voyais JAMAIS pleurer, là il a eu des larmes d’enfant. »
Les années ont passé, Stanislas a aujourd’hui 13 ans et les violences à la maison ont totalement disparu. Toujours sous traitement léger et suivi en psychothérapie tous les mois, il a pu rester dans le système scolaire classique avec un PAP (Plan d’Accompagnement Personnalisé) pour troubles DYS, a un groupe d’amis, une bonne moyenne... Bref, il va bien et pourra envisager un arrêt du traitement à l’âge adulte.
Laëtitia est désormais présidente de l’association Bicycle et publie le livre Mon enfant cyclone aux éditions Flammarion, qui détaille l’intégralité de son parcours.