Pendant 10 ans, j'ai été abusée sexuellement par mon frère
La maison des Maternelles- 12 min 13 s
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Face à l’inceste
Virginie grandit dans une famille bienveillante, pleine d’amour. Ses parents étaient très proches de leurs trois enfants : un grand frère de 6 ans de plus que Virginie, Virginie, et un petit frère de 4 ans son cadet. La jeune femme garde beaucoup de merveilleux souvenirs de son enfance mais il y a aussi ces moments où la petite fille se retrouve seule avec son frère aîné :
« J’ai des flashs assez flous du moment où les agressions ont commencé. J’avais 5 ans. Mon frère me présentait ça comme un jeu d’enfant. Il me mettait en confiance et m’attirait dans sa chambre ou dans un endroit où nous serions que tous les deux. Je le considérais comme un grand frère bienveillant. Je pensais que c’étaient des jeux normaux, que tous les frères et sœurs faisaient ça, mais c’était des agressions sexuelles. »
Virginie ne parle pas de ces « jeux » à ses parents, ni à l’école. L’emprise de son frère sur elle est trop forte. Elle éprouve aussi un sentiment de honte et de culpabilité qui l’obligent à se taire. Comme souvent, le silence rôde autour de l’inceste, dont 10% de Français seraient victimes.
Construire sa vie de femme
Les abus vont cesser avec le départ du frère de Virginie de la maison. Mais ses souvenirs ne la quitteront jamais. La jeune femme tente de se reconstruire malgré ce traumatisme :
« Quand mon frère a quitté la maison, j’ai continué ma vie comme si de rien était, en essayant d’oublier, de me convaincre que ce n’était pas si grave. Mais je portais ce poids en moi. Je n’étais pas malheureuse mais j’avais beaucoup de colère en moi. Heureusement, il y avait tous les côtés positifs de mon enfance, les belles images, les belles choses qui avaient nourries mon réservoir émotionnel. C’est ce qui m’a permis de tenir. J’ai foncé tête baissée, sans chercher à comprendre. Mais mes relations avec les gens en général, et les hommes en particulier, ont longtemps été chaotiques. On ne m’avait jamais appris à respecter mon corps. »
À 21 ans, la jeune femme rencontre son premier compagnon et 4 ans plus tard, elle met au monde son fils, Thomas, mais son couple éclate et les jeunes parents se séparent après 7 ans de vie commune. Le divorce est très difficile, Virginie sombre dans une dépression et décide de commencer une thérapie qui va changer sa vie :
« Je suis allée voir une kinésiologie. Selon cette science, le corps mémorise tout. Dès la première séance, la kinésiologue m’a fait un test musculaire et m’a posée cette question : « Que s’est-il passé à l’âge de cinq ans ? ». Ça a été un électrochoc. Je lui ai tout raconté. C’était la première fois que je mettais des mots, que je pouvais lâcher prise, tout faire remonter à la surface et prendre peu à peu conscience que j’étais une victime. Avec ma thérapie, j’ai aussi fait des découvertes sur ma famille : mon grand-père paternel, un homme que j’adorais pendant mon enfance, était lui aussi un prédateur sexuel qui a eu plusieurs victimes. Toute la famille s’est terrée dans le silence, le déni et la honte… Mais ces non-dits, ce sont des valises que l’on porte de génération en génération. Il m’aura fallu 10 ans de thérapie, de mes 28 ans à mes 38 ans, pour arriver – enfin – à refaire surface. »
Briser le silence
Grâce à cette thérapie et après avoir compris le poids de la transmission des secrets dans sa famille, la jeune femme décide, à 37 ans, de révéler à ses parents les abus que son frère lui a fait subir. Une véritable bombe pour la famille comme en témoigne Virginie :
« Ça a été un choc pour mes parents, comme pour mon petit frère. Ils m’ont cru tout de suite mais ils ont eu du mal à prendre la mesure de ma douleur, de mon traumatisme. C’était terrible pour moi car quand on trouve le courage de parler, on aimerait être reconnue tout de suite comme victime, qu’on reconnaisse notre souffrance, celle qu’on a essayé de cacher. »
Un an après la révélation, les parents de Virginie décident d’en parler à leur fils ainé, qui ne nie pas les faits. Il répondra qu’il s’agissait, pour lui, de simples « jeux d’enfants ». À 40 ans, Virginie trouve le courage de déposer une plainte contre son frère. Mais les faits sont malheureusement déjà prescrits. 2 ans plus tard, alors que Virginie découvre qu’elle attend son deuxième enfant, elle se lance dans la rédaction d’un livre témoignage « La barque noire » publié aux éditions Les Presses du Midi.
Un témoignage nécessaire à plus d’un titre comme le souligne Virginie :
« Je ne voulais pas que mes enfants portent ce fardeau, le poids de mes propres hontes et de ma culpabilité. Je ne voulais pas transmettre à mon tour, ce déni familial, ce transgénérationnel incestueux. Ce livre m’a permis de poser mes bagages, de me réconcilier avec la petite fille en moi. Avec ce témoignage, je voulais aussi passer un message d’espoir aux victimes. Leur dire qu’elles peuvent se faire aider, qu’à tout âge, on peut trouver la paix. Mon combat aujourd’hui c’est de faire de la prévention. »
Virginie travaille avec l’association Les papillons qui lutte contre les violences faites aux enfants notamment en déployant des boîtes aux lettres dans les écoles, les structures extra scolaires et les structures sportives pour aider les enfants à libérer leur parole.