« J’avais peur de vriller et faire du mal à mon bébé » : l’enfer des phobies d’impulsion
La maison des Maternelles- 11 min 39 s
- extrait
- tous publics
Du même programme
- La maison des Maternelles La maison des Maternelles La maison des Maternelles à votre service diffusé le 21/11 | 33 min
- La maison des Maternelles La maison des Maternelles Émission du jeudi 21 novembre 2024 diffusé le 21/11 | 22 min
- La maison des Maternelles La maison des Maternelles La maison des Maternelles à votre service diffusé le 20/11 | 33 min
- La maison des Maternelles La maison des Maternelles Émission du mercredi 20 novembre 2024 diffusé le 20/11 | 22 min
L’escalade de l’angoisse
Quelques jours après les attentats du 13 novembre, Marie-Laure donne naissance à son fils aîné, Benjamin. Un accouchement qui marque le début de fortes angoisses et de ce qu’elle qualifie elle-même de « paranoïa », alors qu’elle n’a aucun antécédent psychiatrique :
« On était à l’hôpital à Paris, et je me disais « si ça se trouve des terroristes peuvent venir, nous tuer, il peut y avoir un attentat », etc. Dès qu’une sirène de pompiers sonnait j’avais peur, je n’osais pas allumer la TV… Je devenais maman, je devais protéger mon fils, je me suis mise beaucoup de pression tout de suite. »
Au fil des semaines et des mois, Marie-Laure a de plus en plus peur du monde extérieur qui devient une menace constante à ses yeux. Elle a peur d’être attaquée dans la rue avec son bébé et se cache dans des halls d’immeuble lorsqu’elle aperçoit une personne qu’elle juge suspecte. Peu à peu, les sorties se réduisent à leur strict minimum et même à domicile, elle ne se sent plus en sécurité :
« Ça me prenait une heure chaque soir. Je vérifiais les portes de toute la maison pour voir si c’était bien fermé et si personne n’était rentré, je me disais que quelqu’un pouvait prendre mon fils, passer par la fenêtre… Je regardais si personne n’était caché sous les lits, dans les armoires… »
Marie-Laure dort de moins en moins bien et est de plus en plus angoissée. Son entourage met cela sur le compte de la fatigue et de la pression liées à son nouveau rôle de mère. Elle n’est donc pas prise en charge pour ce qui s’apparentait selon elle à une dépression du post-partum à l’époque.
De la peur des autres à la peur de soi
En juillet 2019, tout bascule lorsqu’elle tombe sur un article relatant le parcours d’une mère apparemment « lambda » qui – un jour – assassine ses enfants. Un coup de massue pour Marie-Laure qui – déjà très fragilisée physiquement et psychologiquement – commence à douter de sa propre capacité à ne pas faire de mal à son bébé :
« Quand j’allais coucher Benjamin, si je lui caressais le cou tout simplement je me disais : et si jamais tu l’étrangles ? En fait je n’avais pas du tout envie de lui faire du mal, mais j’avais peur de perdre le contrôle de moi-même et du coup de lui faire du mal ! C’étaient des pensées qui faisaient que j’ai cru être folle, bipolaire, schizophrène… tout y est passé ! »
Ces pensées parasites la plongent dans une détresse terrible. Elle n’ose plus emmener son fils en voiture de peur de mettre un coup de volant violent, elle craint de dormir la nuit de peur de blesser son bébé dans son sommeil lors d’une crise de somnambulisme... La situation devient invivable :
« Je ne laissais jamais traîner de couteau, même un lacet ou une ceinture, tout était rangé. Je ne pouvais pas passer devant un de ces objets sinon les pensées arrivaient : je me disais « et si tu étais capable de faire ci ou ça… et si… et si… ». Je ne me suis jamais dit « je suis capable de », mais plutôt « ET SI je pouvais vriller » ! »
S’épanouir à nouveau dans la maternité
Même si elle a peur du jugement des autres, Marie-Laure décide – à bout de forces – de tout avouer à ses proches. Elle appréhende encore de parler à des professionnels de santé, de peur qu’on lui retire la garde de son fils. Mais lorsque son conjoint part une semaine en déplacement professionnel, elle se sent incapable de rester seule avec Benjamin. Elle appelle sa mère et se rend aux urgences :
« Je ne pouvais plus m’en sortir seule, il fallait que je sois prise en charge. Aux urgences ils ont été super, ils m’ont expliqué que je n’avais pas de pathologie grave type bipolarité ou schizophrénie, mais bien ce qu’on appelle des « phobies d’impulsion ».Et ils m’ont proposé un séjour en hôpital psychiatrique pour m’aider à m’en sortir. J’ai beaucoup pleuré mais j’ai dit oui tout de suite : je voulais guérir. »
Hospitalisée 3 mois entre novembre 2019 et janvier 2020, Marie-Laure reçoit un traitement médicamenteux et un accompagnement psychologique adaptés. On y traite ses « phobies d’impulsion » : la pensée obsédante que l’on est capable d’un acte grave alors qu’on ne désire pas être violent. Ses angoisses diminuent, l’équilibre revient dans la famille. Mais alors qu’elle avait tiré un trait sur un projet de 2ème enfant, elle apprend qu’elle est enceinte ! Suivie de près pendant cette grossesse, elle accueille ce bébé sereinement :
« Aucune phobie d’impulsion, pas de baby-blues, pas de pleurs… J’étais super heureuse. Samuel m’a permis de me réconcilier avec la maternité. Je me fais plus confiance en tant que maman. »
Aujourd’hui, Marie-Laure va beaucoup mieux, même si elle est encore sous antidépresseurs légers et bénéficie d’un suivi régulier en thérapie cognitivo-comportementale. Elle souhaite lever le tabou sur le sujet des phobies d’impulsion afin que les femmes concernées se sentent moins seules et puissent demander une aide adaptée.