Regretter d'être mère
La maison des Maternelles- 6 min 16 s
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LMDM - Le regret maternel est un sentiment qui peut évoluer ?
Sophie Marinopoulos : Oui. Le témoignage d’Anne-Sophie pour cela est formidable, car déjà elle lève un tabou, et elle arrive à dire et mettre des mots simples sur ce qu’elle a ressenti à la naissance de son enfant. Cet espèce de débordement, de désillusion : elle s’était fait des tas d’images, elle avait construit une maternité qui n’existe pas. Cette idéalisation, elle n’existe pas, ça fait partie de notre « modernité » : on met à mal les mères. Il va leur falloir des ressources internes pour se dégager de ce modèle et trouver leur propre maternité. Anne-Sophie a construit sa manière à elle d’être mère. C’est le message pour toutes les femmes : de manière à ce qu’elles puissent supporter les moments d’ambivalence, de doute, les moments où elles pensent qu’on ne les entend pas suffisamment -c’est une réalité : on n’a envie d’entendre que des jolies histoires. Mais dans les jolies histoires il y a des mouvements, des besoins de se transformer. Ça prend du temps : plus ou moins. Ce n’est jamais la même temporalité d’une femme à l’autre. Il faut que la femme puisse continuer à se réaliser tout en étant mère. Dans la société actuelle, c’est très difficile.
Qu’est ce qui peut expliquer ce regret ?
C’est important de dire que ça n’a rien à voir avec l’amour qu’on porte à ses enfants. Il y a 2 choses totalement différentes : « notre » statut de mère -je dis « notre » en tant que femme- et il y a l’enfant, qui est protégé de ça. Ce sont 2 choses différentes.
Concernant les « causes » : une maternité qui n’arrive pas au bon moment, même si consciemment on pensait que c’était le bon moment et finalement on se dit : je n’étais pas prête, j’étais trop jeune, ce n’était pas le moment…lorsqu’un évènement de la vie arrive et qu’on n’a pas eu le temps de digérer, cette maternité arrive comme une effraction dans la temporalité, ça va trop vite et ça fragilise beaucoup. Le regret prend souvent appui sur une désillusion, on ne s’attendait pas à ça. Dans l’imaginaire collectif et individuel, l’idée qu’on est forcément heureuse et épanouie reste très forte. Ça n’a pas beaucoup changé en 50 ans, on muselle toujours les femmes qui doivent donner sans compter leur corps, avec l’allaitement, le peau-à-peau, donner son temps et donc elles ne s’autorisent pas à être mère comme elle l’entendent mais s’enferment dans une image de mère figée. …Un mal être sourd qui vous met en situation de déprime qui peut aller jusqu’à la dépression.
Dans des moments de tensions, il peut nous arriver de dire des mots à nos enfants qui dépassent notre pensée. Quelles conséquences sur la construction de l’enfant lorsqu’il comprend que sa mère a pu regretter d’être devenue maman ?
On pense très souvent : « J’ai dit une horreur à mon enfant il va être traumatisé » Il faut arrêter avec ça. Dire des choses horribles à son enfant je ne vais pas vous dire que c’est bien. Par contre il faut savoir aller dire à l’enfant : « J’étais en colère, j’ai dit n’importe quoi » Les enfants comprennent très bien les colères, car ça les envahit eux aussi. Ils savent que la colère ne fait pas bien parler. Les tout-petits ne sont pas rancuniers car ils sont dans l’immédiateté. C’est important d’aller le voir et s’excuser. Ne pas laisser l’enfant seul avec des mots qui ont pu le blesser.
Comment peut se manifester le regret ?
C’est éprouver le sentiment de ne pas être à la bonne place, de ne pas faire les choses comme on devrait, de ne pas ressentir de plaisir quand on s’occupe de notre enfant. Des sentiments contradictoires qui envahissent : « J’ai envie, je n’ai pas envie » ou se demander ce qu’on fait là, comment trouver sa voix, à qui en parler. Il y a des sentiments de solitude. Il est terrible car c’est être seule dans la foule : c’est-à-dire avoir plein de monde autour de soi mais ne pas trouver l’interlocuteur qui peut entendre vraiment.
Faut-il le cacher à son enfant ?
Ce n’est pas la question de cacher ou non. Je pense qu’il y a un moment où la mère va éprouver le besoin de dire ou de partager. La question du partage elle est nécéssaire dans des vies familiales. On ne peut pas garder des choses comme ça. Ce n’est pas parce qu’on a regretté, ou qu’on a été blessé, qu’on ne peut pas surmonter ensemble -mère et enfant- cette révélation. Là encore, on est dans l’idéalisation. Comme si dans une histoire familiale il fallait toujours que tout soit beau, qu’on dise toujours de belles choses et qu’on soit tous de bonne humeur, qu’il n’y ait jamais de contradictions. Ça, ce ne sont pas des histoires qui existent !