Syndrome du nid vide : quand l'enfant quitte la maison
La maison des Maternelles- 12 min 10 s
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Une relation fusionnelle
Sandrine est romancière et photographe. Elle a élevée son enfant en garde alternée suite à la séparation avec le père de son fils, lorsqu’il avait 2 ans. Durant l’enfance de Malo, la maman solo avait une relation unique avec son fils, raconte-t-elle :
« Notre relation était à la fois indépendante -car Malo était en garde alternée, donc une semaine sur 2 il n’était pas avec moi, mais aussi car je suis photographe et j’étais parfois en reportage donc avait l’habitude de rester avec sa nounou- et en même temps, une relation fusionnelle car maman solo et enfant unique. On partageait beaucoup de moments tous les deux. On a fait aussi beaucoup de voyages. »
Les conflits entre la mère et son fils commencent au collège et se poursuivent au lycée, surtout à propos de l’école. Malo se sent incompris, et sa mère dans l’injustice, avec l’impression que son fils gâche la chance qu’elle lui donnait. En classe de première, Malo va en pension, loin de chez sa mère. La séparation est pour le moins brutale :
« La veille qu’il parte en pension, alors âgé de 17 ans, on rentrait de vacances, c’était un dimanche soir tard. On était encore à l’aéroport, il me dit qu’il ne passera pas la dernière nuit chez nous, mais voulait dormir chez son ami. Comme c’était la veille de son premier départ de la maison, j’ai refusé. Je ne voulais pas être dans cette séparation brutale ! Ça a été la première « coupure de cordon » Il m’a dit : « Maman, j’ai 17 ans, donc que tu le veuilles ou non, je vais être majeur, je fais ce que je veux, ce soir je ne dors pas chez toi. » Et il est parti. »
Une violente dispute
Quand Malo revient un week-end sur deux, il n’est que de passage, laissant sa mère seule, alors que Sandrine espère passer du temps avec son fils. Jusqu’au jour où Malo, un soir en rentrant de noël dans leur famille, va dire à sa mère qu’il ne la supporte plus :
« Il m’a dit : « Je te supporte plus, je ne supporte pas ta voix, je ne supporte pas ta conduite, j’en ai marre, tu m’étouffes… » Je n’ai pas quitté mon volant, je regardais droit devant, pour ne pas pleurer. Je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour lui. Il m’a dit : « Je voudrais qu’on ne s’appelle plus, qu’on ne se voit plus, j’ai besoin d’air » Je lui ai dit que je l’aimais, et que si c'était cela dont il avait besoin, on allait le faire. Mais intérieurement, j'étais complètement effondrée. »
Le syndrome du nid vide
Très vite, Sandrine, sans nouvelles de son fils, sombre dans la mélancolie :
« Ça m’arrivait de m’asseoir sur son lit et de regarder ses vieilles bandes dessinées. Je regardais à la fenêtre de sa chambre en me disant que c’était sûrement ça la vue qu’il voyait quand on se disputait et qu’il se réfugiait dans sa chambre. Je passais beaucoup de temps à regarder des photos, j’écrivais. Évidemment, pour les écrivains, les mots sont des « petites madeleines » qui permettent de revenir dans le passé, revivre des émotions. En regardant les photos, j’essayais de comprendre comment on en était arrivés à cette grande séparation. »
Sandrine ayant eu son fils jeune, elle se sent seule et incomprise dans sa situation :
« C’était très difficile. Pendant ces 2 mois où on ne s’est pas parlés, mes copines me demandaient comment allait mon fils. Je disais : « Il va bien » J’avais une forme de honte. La société nous culpabilise -les parents, et les mères- j’avais l’impression de ne pas être une bonne mère puisque je n’avais pas réussi à garder un lien avec mon fils, à assurer cette transition de l’âge adolescent à l’âge adulte. Donc je n’ai rien dit d’abord. Puis, quand j’en ai finalement parlé à mon entourage, je me suis disputée avec pas mal de gens, qui ne comprenaient pas pourquoi j’étais en boucle. »
Finalement au bout de 2 mois, Malo appelle sa mère pour s’excuser, et recommence à donner des nouvelles.
Réapprivoiser sa vie de femme
Le syndrome du nid vide a duré 1 an pour Sandrine : elle se sentait vieille, inutile, seule. Puis, Sandrine est partie à la reconquête de sa vie :
« Le syndrome du nid vide concerne beaucoup de mamans, qui au moment où l’enfant s’en va se demandent qui elles sont, ce qu’elles vont devenir si elles ne sont plus maman au quotidien. Dans « nid vide » il y a « vide » : il faut remplir ce vide. Moi, je l’ai rempli en prenant plein de cours : d’histoire, de scénario, des cours de psychologie, de vidéo, de philo. J’ai été voir plein d’expos, des films au cinéma, des amis, des voyages pour me retrouver. Et le soir je me suis mise écrire ce roman alors que je n’avais pas publié depuis plusieurs années. Surtout, à un moment je pensais ne pas être sujette au syndrome du nid vide : j’étais une femme indépendante, libre, je ne m’étais pas oubliée en tant que femme, je m’étais réalisée : j’avais écris plusieurs romans, j’ai fait des livres de photo, je suis devenue journaliste. Donc je pensais que ça ne me concernait pas. Sauf que les larmes continuant de couler, j’ai consulté un psy et j’ai compris non seulement que je souffrais d’un syndrome du nid vide, que c’était une crise identitaire, et que pour arriver à dépasser ça, il fallait que je prenne conscience que ce moment est dur car il ravive toutes les séparations qu’on a vécues avec les autres hommes de notre vie : la séparation avec l’enfant, avec son père, avec mon propre père…»
Aujourd’hui, Sandrine et son fils ont une relation apaisée. Elle raconte son expérience et son syndrome du nid vide, dans son roman : Ce qu’il faut d’air pour voler aux éditions Le Passage.