« Pour s'attacher, le bébé a besoin d'une personne psychiquement disponible »
La maison des Maternelles- 26 min 7 s
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LMDM - Peut-on commencer à tisser des liens avec son bébé in utero, en faisant de l’haptonomie par exemple ?
Romain Dugravier - Bien sûr. La grossesse est une période maturative, avec un temps de rêverie et la prise de conscience progressive des bouleversements que vont occasionner l’arrivée de cet enfant.
La naissance et la rencontre avec notre enfant est un moment étrange fait de familiarité et d’étrangeté.
Certains parents prennent conscience alors à quel point l’enfant est dépendant. C’est parfois vertigineux pour les parents qui n’avaient pas réalisé la responsabilité face à cet être vulnérable et complètement dépendant. Mais c’est justement la perception de la vulnérabilité de son enfant qui va renforcer chez les parents la motivation à en prendre soin, à veiller sur lui, à le protéger.
Si le bébé et la mère sont séparés à la naissance et que la mère a ensuite du mal à s’attacher à son enfant, est-ce dû aux conditions de sa naissance ?
Cela peut être vrai s’il y a un décalage avec ce que la maman avait espéré et l’accouchement qu’elle a eu. Dans le cas par exemple d’une césarienne en urgence, on peut avoir un effet sur l’engagement de la maman. On sait qu’un impondérable ou des inquiétudes au cours de la grossesse (comme lors d’une échographie), même sans fondement, peuvent laisser des traces et influer sur les premiers temps de la relation. Parfois, les parents en viennent à douter d’eux-mêmes, de leur capacité à prendre soin de leur enfant.
Vous pouvez nous expliquer ce qu’est la fameuse théorie de l’attachement ? Qui s’attache à qui ?
Dans la théorie de l’attachement, il ne s’agit pas des sentiments que les parents peuvent éprouver pour leur bébé. Les parents peuvent ressentir quelque chose de très intense pour leur enfant mais c’est de l’ordre de la création du lien, de l’envie, de la découverte de cet enfant...
Dans la théorie de l’attachement développée par John Bowlby dans les années 50-60, l’idée c’est que c’est l’enfant qui s’attache : il cherche la sécurité, la compréhension et le contact auprès de ses figures d’attachement. Il va développer des capacités, des outils de communication (regard, pleurs…) pour attirer l’attention de l’adulte qui prend soin de lui. Dès le début de sa vie, toutes les situations de stress (faim, froid, inconnu…) déclencheront des comportements d’attachement, c’est-à-dire le besoin d’être rassuré avec la proximité et la réalité du contact des adultes.
Comment répondre aux besoins d’attachement du bébé en tant que parents ?
Répondre aux besoins d’attachement, c’est apporter au bébé le « caregiving », c’est-à-dire percevoir et interpréter les signes qu’il nous envoie, l’aider à réguler ses émotions, respecter son rythme… Un bébé tout seul n’existe pas. Il a besoin qu’on prenne soin de lui.
Qu’est-ce qui peut nuire à la qualité d’attachement ?
Certaines situations peuvent créer une détresse parentale qui va jouer dans la question de ces premiers liens. Il peut y avoir la prématurité, la dépression post-parentale (et pas uniquement la dépression maternelle, car la dépression paternelle existe et elle est souvent négligée)... Pour s’attacher, le bébé a besoin d’une personne psychiquement disponible, capable de s’ajuster à lui au fur et à mesure du temps.
C’est grâce à un attachement sécurisant que l’enfant va pouvoir explorer le monde ?
Déjà à 1 an, on voit qu’il y a plusieurs styles d’attachement qui aboutiront à la représentation du monde pour l’enfant : Comment je peux envisager la relation à l’autre ? Comment je peux aller à la découverte d’autrui. On va distinguer l’autonomie de l’indépendance.
L’indépendance c’est : « Je me débrouille par moi-même. » L’autonomie c’est : « Parce que j’ai des assises, j’ai une sécurité interne, basée sur ces expériences précoces, je peux faire des expériences en confiance parce que je sais que si j’ai besoin d’aide je pourrai trouver cet appui. » L’enfant va développer des stratégies plus ou moins adaptatives. Mais rien n’est figé. Les thérapies, par exemple, permettent de revisiter des modèles de représentation et de réacquérir une forme de confiance en soi qui n’avait pas pu se structurer dans les premiers temps.
Que faire si le lien tarde trop à venir ?
Un bébé tout seul ça n’existe pas. Mais probablement que des parents seuls n’existent pas non plus. L’enfant s’inscrit dans un écosystème avec ses parents, son entourage proche, ses grands-parents, la famille mais aussi la société, le milieu dans lequel il vit, les valeurs qui y sont véhiculées... Il faut désacraliser les doutes qu’on peut ressentir quand on devient parent. Il y a une injonction à être heureux alors qu’il s’agit d’un travail, d’une construction et parfois ça prend un peu de temps. Il faut pouvoir parler de ses craintes que le lien ne se construise pas, de ce sentiment d’étrangeté, de ses difficultés. Il y a aussi la question de la connaissance. Il y a des lieux communs qui persistent et qui sont dommage comme : « Ne prend pas trop ton bébé dans les bras, de peur de le gâter. » Non, un bébé qui pleure a besoin d’être pris dans les bras.
Vous avez collaboré à la commission des 1000 jours. Quelles propositions ont été faites pour favoriser cette qualité relationnelle dès le début ? Et quelles autres actions pourrait-on envisager ?
Le congé paternité de 28 jours, c’est une façon d’affirmer que les deux parents ont toute leur place auprès de l’enfant. C’est une façon de créer une forme de sécurité. Il faudrait aussi améliorer la coordination des parcours avec une offre de soin plus intensive. L’entretien prénatal précoce est très important pour déceler des fragilités en amont. Il y a beaucoup de choses qui pourraient s’anticiper. Il faudrait aussi sans doute développer un entretient post-natal. Pendant le Covid, on l’a fait, on a téléphoné aux jeunes mères pour savoir où elles en étaient et elles nous ont dit combien ça leur faisait du bien de pouvoir faire un retour de ce qu’elles avaient vécu.