Grossesse et discrimination au travail : « Tu sais, le milieu n’aime pas les chieuses »
La maison des Maternelles- 25 min 39 s
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Mary Patrux est journaliste et présentatrice sportive. Il y a 13 ans, elle découvre qu’elle est enceinte à 3 mois et demi de grossesse. La jeune femme travaille dans la même rédaction que son mari. Sous le coup de la surprise, le couple annonce à tout le monde la nouvelle et leurs collègues sont très contents pour eux.
Son congé maternité démarre un peu plus tôt pour des raisons médicales. La future mère se souvient avec bonheur de cette période de sa vie. Cependant, dans le même temps, des changements sont en train d’avoir lieu sur son lieu de travail :
« La direction a décidé que 2 personnes de la rédaction allaient changer de service et passer du service "sympa" (commentateur sur les directs, etc.) au service dit "news" à débiter de la copie avec des horaires genre 3h du matin à1 3h ou 15h à 2h du matin... Étant enceinte et en congé, je ne me suis pas sentie visée. Et puis ça s’est resserré comme un entonnoir dans ma tête : ce n’est pas possible mais quand même… »
« T’es pas en train de faire la tétée ? »
Mary ne veut pas croire qu’elle puisse faire partie des personnes visées par le changement de poste. Une semaine avant de reprendre le travail, la toute jeune maman reçoit un coup de fil de son rédacteur en chef :
« Il me dit : "Tu fais partie des 2 choisies." Le pire c’est qu’il a démarré l’appel par : "T’es pas en train de faire la tétée ?" Ce qui posait déjà la vision qu’il avait de moi. J’étais juste bonne à nourrir un enfant. Je n’ai pas eu plus d’explications, j’ai été choquée donc je n’ai rien dit. J’avais juste envie de raccrocher, surtout que quand on a accouché il y a 2 mois on n’est pas une warrior, on est fragilisée, crevée, on se sent affreuse… Donc je ne l’ai pas bien vécu ! »
La journaliste se sent piégée. Elle pense même à démissionner, mais se rétracte car elle a besoin de ce travail :
« Je ne pouvais pas quitter ce job comme ça car je suis mère, j’ai la responsabilité de Louise maintenant ! J’avais un loyer et une nounou à payer ! On se sent tellement prisonnier de la situation… »
Des menaces à peine voilées
Mary décide alors de prendre conseil auprès d’un avocat. Ce dernier lui explique que la situation est un peu floue mais que vu qu’elle n’a pas signée pour ce nouveau poste dans son contrat, il faut creuser. Entre temps elle a rendez-vous avec le service des ressources humaines. Un rendez-vous qui va changer son avenir professionnel :
« La RH m’a dit : "Ce serait dommage que vos 2 postes (sous-entendu, celui de mon mari et le mien) soient mis en danger alors que vous venez d’avoir un enfant." Elle me dit ça alors que j’étais seule face à elle, à moitié en larmes… Là, j’ai dit stop, ce n’est pas possible, donc j’ai choisi une autre option que l’avocat qui est : je me barre. Je ne peux plus discuter avec des gens qui m’humilient. »
La journaliste passe de nombreux entretiens au cours desquels elle est franche et explique les raisons de sa volonté de quitter son poste actuel. Mais ses interlocuteurs ne sont pas très bienveillants :
« Un jour, quelqu’un m’a dit : "Tu ne devrais pas parler comme ça, car tu sais le milieu n’aime pas les chieuses. Si tu continues, plus personne ne voudra travailler avec toi." Cette phrase m’a poursuivie des années ! Si je raconte mon histoire aujourd’hui c’est parce que je refuse qu’une jeune femme ressente ce que j’ai ressenti. »
Une seconde grossesse
Au final, Mary trouve un travail après 3 mois de recherche. Elle quitte alors un CDI pour un CDD mais c’est « un choix vital psychologiquement » pour la jeune mère. Six ans après, lorsqu’elle tombe à nouveau enceinte, Mary est plus confiante mais ne peut s’empêcher de repenser à sa première expérience et au traumatisme qui a suivi. Mais grâce à ses collègues, Mary va mieux vivre cette nouvelle étape de sa vie :
« Un mois après la naissance de Paul, les garçons de mon équipe ont fait un truc qui m’a touchée : ils m’ont demandé de venir pour tourner une bande-annonce même si j’étais encore en congé, car pour eux c’était normal que j’y apparaisse : je faisais partie de l’équipe. Là c’est un soulagement, c’est bon, la vie va continuer normalement. Et effectivement, ça s’est très bien passé. »