Naissances de jumeaux : pourquoi leur nombre explose ?

La maison des Maternelles

Gilles Pizon est professeur au Muséum national d’histoire naturelle et chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques (Ined), co-auteur de l'étude publiée dans la revue Human Reproduction sur le boom des naissances de jumeaux dans le monde.  LMDM – 1,6 millions de paires de jumeaux naissent chaque année dans le monde, soit près d’un bébé sur 40. C'est une nette augmentation depuis les années 80. Comment expliquez-vous ce phénomène ? Gilles Pizon - Cette hausse d’un tiers est due à la diffusion de l’assistance médicale à la procréation (PMA) qui est associée à une probabilité plus élevée de naissances multiples. Elle est aussi liée aux maternités plus tardives. Le fait que les femmes aient leurs enfants de plus en plus tard dans de plus en plus de pays dans le monde. Or la probabilité d’une grossesse gémellaire augmente avec l’âge des femmes. On constate dans votre étude qu’il y a une hausse des faux jumeaux (dizygotes) mais que pour les vrais (monozygotes) les naissances restent stables. Comment cela s’explique ? La probabilité d’une grossesse de vrais jumeaux est de 4 pour 1000. C’est un taux qu’on retrouve quel que soit l’âge, quel que soit le continent, quelle que soit la période. Et on retrouve ce taux aussi dans pratiquement toutes les espèces de mammifères. C’est une propriété de l’œuf, de l’embryon, au cours des premiers stades de son développement, il se scinde en deux. C’est du clonage naturel. Et cet événement arrive avec la même fréquence partout. Donc la hausse mondiale du taux de gémellité ne vient pas d’un changement de la propension de vrais jumeaux. Tout vient du changement de la fréquence de faux jumeaux. Cette étude interpelle car l’augmentation des naissances de jumeaux est préoccupante, tant pour les parents que pour la fragilité des nouveau-nés... Avoir des jumeaux est un phénomène naturel pour la plupart des grossesses gémellaires. Ce n’est pas une maladie. Ce n’est pas un problème en soit. La plupart des grossesses de jumeaux se passent bien, l’accouchement aussi. Les enfants vont bien. Il se trouve quand même que ce doublement de la fréquence des jumeaux, c’est un défi. Parce que ce sont des enfants qui sont fragiles au début de la vie. Ils sont plus souvent de petit poids, prématurés. L’accouchement plus souvent présente des complications même si la plupart des accouchements de jumeaux se passent sans problème. Et puis cela demande une vigilance et un soin particulier. Le suivi des grossesses gémellaires est plus important que celui des grossesses simples. De plus élever deux enfants de même âge ensemble, c’est un défi. Une partie de cette hausse vient d’une activité : la PMA. Aujourd'hui, on peut modifier les pratiques, et on les a modifiées pour obtenir des grossesses simples. Comment diminuer les grossesses gémellaires ? Si d'ailleurs c'est possible ? Dans de plus en plus de pays, les équipes médicales s’arrangent pour implanter un seul embryon à la fois. Quitte à garder congelés les embryons surnuméraires et a implanter lors d’une deuxième tentative un autre embryon. Avec cette méthode qui a été adoptée il y a 20 ou 25 ans dans les pays pionniers (les pays scandinaves), on obtient le même succès en terme de grossesse suite à une FIV. La différence c’est que ce ne sont plus des grossesses multiples, mais des grossesses simples. Pouvez-vous nous dresser une carte mondiale de la gémelléité ? Le continent des jumeaux est l’Afrique, notamment l’Afrique subsaharienne. De tout temps il est né le plus de jumeaux dans cette région du monde. Il y a 30 ans il en naissait deux fois plus qu’en Europe et en Amérique du nord et trois fois plus qu’en Asie, notamment en Asie de l’Est : Japon, Chine. Il naît toujours le plus de jumeaux en Afrique mais comme en Europe et en Amérique du nord la fréquence des accouchements gémellaires a pratiquement doublé, elle a rejoint les taux élevés de l’Afrique. Donc aujourd’hui la carte de la gémellité dans le monde c’est l’Afrique en tête, l’Europe et l’Amérique du nord qui ne sont pas loin et l’Asie et l’Amérique latine qui sont à des taux deux fois plus faibles.