Violences sexuelles sur mineur.e.s : la loi déçoit les associations de protection de l’enfance
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« Insupportable » : c’est le mot qui ponctue les phrases d’Arnaud Gallais ce mardi 16 mars 2021. Le presque quarantenaire, activiste en faveur des droits de l’enfant, co-fondateur du collectif Prévenir et Protéger qui lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants, et lui-même victime d’un double inceste, est abasourdi. Le texte voté hier à l’Assemblée nationale pour la protection des mineur.e.s contre les violences sexuelles est loin de répondre à ce que lui et d’autres associations de protection de l’enfance attendaient. Il revient, pour LMDM, sur les manques et les incohérences du texte.
Eric Dupont-Moretti évoque des relations incestueuses consenties
Lors de la seconde séance, le Garde des Sceaux et ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti, prend la parole : « On ne peut pas criminaliser une relation sexuelle entre un jeune homme de 17 ans et sa tante de 18 ans, même s’il s’agit d’une relation incestueuse ». Arnaud Gallais réagit :
« On a un Garde des Sceaux aujourd’hui en France en 2021, qui se permet dans l’hémicycle d’évoquer des relations sexuelles consenties entre un jeune homme de 17 ans, et sa tante qui en aurait 18. Pour moi l’inceste c’est non. Ce n’est pas possible quand on a des responsabilités comme celles d’Éric Dupont-Moretti de tenir des propos comme cela, c’est dangereux. Quand en plus on parle d’une loi pour renforcer la protection des mineur.es, je trouve cela sidérant que cela soit dit de cette manière-là. »
La clause « Roméo et Juliette »
Cette clause prévoit que les sanctions ne s'appliquent que si la différence d'âge entre le majeur et le mineur de moins de 15 ans est d'au moins cinq ans. Là encore, c’est pour Arnaud Gallais une absurdité :
« Cette clause est insupportable car elle revient sur quelque chose de fondamental dans le droit, à savoir qu’il y a aujourd’hui une atteinte sexuelle qui concernait les relations sexuelles entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans. Les députés hier ont adopté une exception à cette règle quand il y a un écart d’âge. Si le texte de loi passe, il sera possible et tolérable d’avoir une relation sexuelle entre un jeune de 13 ans, et un jeune de 18 ans. Pourquoi ça me choque ? 13 ans, vous rentrez en 4ème, à 18 ans vous passez le permis de conduire. Il ne se passe pas la même chose dans la tête d’un enfant de 13 et d’un jeune de 18 ans et je trouve ça dangereux qu’on puisse revenir sur quelque chose qui était fondamental, ça ne vient pas renforcer de fait la protection des mineurs mais la fragiliser. »
Des questions essentielles évincées du débat
Pour Arnaud Gallais, certaines questions, pourtant essentielles pour la protection des mineur.e.s victimes de violences sexuelles, n’ont pas été abordées :
« Il n’a jamais été question sur l’ensemble du texte de protéger les personnes qui signalent. Les personnes sont à protéger. Je me souviens de Morgane, une jeune psychologue assassinée par un grand-père incestueux qu’elle allait dénoncer. J’ai également une pensée pour la pédopsychiatre Eugénie Izard, suspendue par l’Ordre des médecins pour avoir dénoncé des faits de maltraitances. Ces gens-là sont à protéger, il semblait essentiel que cela soit inscrit au sein du texte. »
La problématique de l’amnésie traumatique est aussi une des grandes absentes du texte de loi. Une erreur, selon Arnaud Gallais :
« On a aujourd’hui des témoignages qui pullulent sur des personnes qui ont eu des amnésies traumatiques -c’est mon cas car j’ai été victime d’un double inceste- sur des périodes de 10, 15, 20, 30, 40 ans. Et un jour, un regard ou autre, et la mémoire revient. Pour nous, d’une certaine manière, on restera avec cette peine à vie sans jamais pouvoir avoir une réparation de la justice, c’est insupportable. On préfère que d’autres théories, qui ne sont pas reconnues contrairement à l’amnésie traumatique, soient légion dans les tribunaux notamment le fameux syndrome d’aliénation parentale, qu’on retrouve couramment, qui vient dire qu’une mère -bien souvent- protectrice a manipulé son enfant pour qu’il puisse révéler des faits qui saut faux. On vient discréditer les victimes au lieu de les protéger, et c’est insupportable. »
Rien sur l’imprescriptibilité des faits, ni sur le principe de précaution :
« Souvenons-nous des paroles choquantes du Cardinal Barbarin qui disait : « La majorité des faits sont prescrits, grâce à dieu » ! Qu’en a-t-on retenu ? Rien ! On nous parle d’une prescription glissante, c’est un consensus mou. Ce que demande d’ailleurs le conseil de l’Europe, c’est prendre la résolution 23.30, pour prôner l'imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineurs. Je rappelle que 81% des victimes de viol en France sont des mineurs.
La dernière chose qui n’apparait pas c’est le principe de précaution. Quand vous avez des mineurs qui parlent et disent qu’ils ont été victimes d’inceste chez leurs parents, bien souvent quand il y a des modes de garde, on continue à les maintenir le temps de l’enquête : l’enfant est exposé à des violences, à des viols, alors même qu’il avait alerté. Il faut qu’on considère aujourd’hui en France, au regard de la convention international des droits de l’enfant, que les enfants sont à protéger. L'intérêt supérieur de l’enfant doit être notre lumière pour nous guider. »
L'adoption définitive de la loi est prévue au printemps, le gouvernement ayant fait part de sa volonté de voir les nouvelles dispositions devenir opérationnelles dès que possible.