Deuil, mort : « Il faut dire la vérité aux enfants »
La maison des Maternelles- 3 min 32 s
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LMDM - Comment faut-il s’adresser à une enfant pour parler du deuil ? Utiliser des métaphores ? Être direct ?
Eve Piorowicz - Il faut dire la vérité ! Ce qui est douloureux au fond ce ne sont pas les signifiants, ce ne sont pas les mots, c’est ce à quoi ça renvoie. Et ça, on ne peut pas y couper. Donc je crois qu’il faut clairement dire la vérité pour que l’enfant puisse nous faire confiance, et puis puisse se construire sans chapitre manquant dans son histoire. Il faut qu’on puisse lui offrir, pièce par pièce, à la hauteur de ce qu’il peut comprendre, en fonction des événements, les éléments du puzzle. On ne donne pas toutes les pièces d’un coup.
Donc on dit à son enfant « Il est mort », on ne dit pas « Il est au ciel », « Il est parti » ?
Oui. On lui dit qu’il est mort, que son cœur s’est arrêté. On dit les choses.
Lors d’un décès, comment bien l’expliquer aux enfants sans leur retirer une part de leur insouciance ?
C’est sûr que lorsque l’on se heurte au réel il y a une sidération. Mais il faut savoir que faire avec la mort, c’est faire avec la vie. Dès que l’on vient au monde on sait que l’on va mourir. Et c’est pour cela qu’il faut que cette vie-là soit la plus savoureuse possible, qu’elle soit inscrite dans la gaieté et dans la joie. En tant que parent, on est un guide pour l’enfant. Il faut donc leur signifier que l’on n’est pas dans un évitement avec la mort et que c’est quelque chose qui est là, autour de nous en permanence : une fleur qui fane, une voiture cassée… La vie et la mort sont des coéquipières. Et on ne peut pas enlever les chagrins d’un enfant, mais on peut l’outiller pour que dans la vie il puisse faire face et réussir à se réinvestir pleinement dans la joie et dans la vie lorsque le temps du deuil est passé.
Lorsqu’un proche souffre d’une maladie incurable, faut-il prévenir les enfants de l’issue fatale pour qu’ils s’y préparent ou attendre le moment venu ?
Il faut leur dire parce qu’il faut se préparer. C’est un processus. Il faut déjà que ces enfants-là puissent comprendre ce qu’il se passe dans la famille, l’ambiance certainement un peu pesante et lourde. Si on ne leur donne pas les éléments pour comprendre, ils ne pourront pas être au clair avec tout ça. Et les enfants eux-mêmes peuvent avoir envie d’accompagner le proche malade, de pouvoir lui dire certaines choses, d’être présents. En tout cas on ne peut pas priver un enfant de ce temps-là, car il se passe parfois des choses extrêmement fortes sur les derniers moments. Car ce qui peut créer le traumatisme chez l’enfant c’est de le mettre devant le fait accompli.
Est-ce traumatisant pour un enfant de voir un mort ?
Ce qui est certain c’est que si l’on est à l’aise avec l’idée de voir les morts, l’enfant va sentir le parent suffisamment équipé, va lui faire confiance et va y aller. Je crois qu’avant l’âge de 6,7 ans je ne poserai pas trop la question à l’enfant. Il faut se faire confiance en fonction de notre sensibilité, des croyances culturelles, de ce qu’on croit juste alors on le fait. Par contre ce qui est sûr et certain, c’est qu’il n’y a pas d’obligation à voir le défunt, mais qu’il faut embarquer l’enfant dans le rituel du deuil. Il doit être associé au dîner le soir, ou à la cérémonie qui a lieu un mois après ou à la date anniversaire… Car cela fait partie de l’histoire de la famille.
Comment réagir si les enfants se mettent à rire ou à faire des bêtises durant la cérémonie ?
Il ne faut pas avoir peur que les enfants montrent le sens de la vie. Et puis il y a quelque chose qui se noue dans ces moment-là : la douleur est conjuguée à la joie. Parce qu’au fond il y a des retrouvailles. J’ai en tête ce petit garçon qui racontait que l’enterrement de son grand-père avait été un moment douloureux et, dans le même temps, le fait de prendre l’avion avec tous les cousins, les oncles, les tantes, avait été un moment éminemment joyeux. Donc il y a aussi un tissage entre vie et mort dans ces moment-là qui sont importants et qui font trace dans l’histoire familiale.
À quel âge le côté irréversible de la mort devient évident pour un enfant ?
Tranquillement on sort du principe de plaisir vers le principe de réalité. Mais tout dépend des enfants. Lorsque l’on a 2, 3 ans on pense que l’on est invincible, on n’a pas forcément conscience de cela. C’est un processus que l’on peut accompagner avec l’environnement et avec l’idée que les choses se terminent.