« Le sujet du deuil périnatal est encore tabou »
La maison des Maternelles- 6 min 34 s
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LMDM – Lors de la perte d’un bébé, les témoignages de mamans que nous recevons s’accordent sur un sentiment : la culpabilité. Comment l'expliquer ?
Docteur Marie-José Soubieux - Oui, les mamans ressentent tout le temps cette culpabilité, quelle que soit l’origine du problème. C’est le gros point commun : que l’on ait fait une fausse couche, une interruption médicale de grossesse (IMG) ou qu’on ait perdu son bébé à la naissance. C’est pour elles une blessure, une culpabilité de ne pas avoir pu garder ce bébé et ce, malgré tous les arguments médicaux qu’on peut leur donner. Elles se disent alors qu’elles ont trop travaillé, qu’elles ont mangé quelque chose qui n’était pas bon… Car la mère porte la lourde responsabilité de mettre au monde un enfant vivant et bien portant.
C’est important de se faire aider psychologiquement quand on perd un bébé ?
C’est fondamental. C’est extrêmement important, et même en cas de fausse couche. Car certaines femmes peuvent se représenter un bébé parfois dès le test de grossesse. Ensuite, pour les parents, la perte, le deuil est tellement douloureux que cela peut bloquer la grossesse suivante. Et cela, que ce soit après une fausse couche, une IMG, un décès à la naissance…
On a tendance à minimiser la fausse couche, mais elle se fait parfois dans des conditions atroces pour les mamans, qui sont seules à la maison, qui perdent beaucoup de sang et qui se retrouvent avec le fœtus sans savoir quoi en faire. C’est une image traumatisante. Les fausses couches ont beaucoup plus de conséquences qu’on ne le pense. C’est toujours bien d’en parler et d’être soutenue.
Existe-t-il réellement une bonne manière d’annoncer ce drame ?
Je pense que les professionnels de santé devraient mieux être formés à cela. C’est toujours un moment très délicat et c’est souvent très difficile d’avoir les mots justes. Mais je pense qu’il faudrait en parler avec les parents dès les premiers signes d’inquiétude, le choc sera moins rude et c’est un accompagnement fondamental dans l’acceptation du deuil.
Il faut prendre le temps, y aller progressivement, entourer les parents, leur donner un numéro où ils pourront parler quand ils le souhaiteront, être disponible pour eux.
Quand on leur dit : « Il n’y a plus d’activité cardiaque » ; ce n’est pas la même chose que de dire : « Son petit cœur s’est arrêté ». Les mots qu’on emploie résonnent dans la tête des parents après, il ne faut pas l’oublier…
Dans le deuil d’un bébé in utero ou à la naissance, il y a des phases auxquelles on doit faire face ?
Je ne parlerais pas de phases mais plutôt de moments car c’est très en "dents de scie", on vit les montagnes russes :
- Au début on est un peu dans la sidération, on repense à ce qu’on a vécu, parfois même on pense que le bébé va revenir, on a de l’espoir.
- Puis on a des temps de dépression profonde, avec les dates anniversaires par exemple.
- Puis il y aura la grossesse qui suit, qui est extrêmement importante, car l’insouciance a disparue, on ressent alors beaucoup d’angoisse.
Et c’est là que les sages-femmes ont un rôle important à jouer en parlant de la grossesse précédente et en n’en faisant pas un tabou. Cela prouve à la maman qu’elle a existé et que son bébé décédé est considéré.
Que pourrait-on dire aux parents qui ont peur de faire un enfant de « remplacement » ?
On parlait d’enfant de remplacement avant, quand les parents n’étaient que très peu aidés et que le sujet du deuil périnatal était encore extrêmement tabou. Aujourd’hui on fait comprendre que chaque enfant a sa place, notamment grâce au travail des équipes dans les maternités, des psy… On fait comprendre aux parents que la grossesse est différente, les sensations sont différentes et ça donnera donc un enfant différent.
Faut-il en parler aux frères et sœurs ?
Oui absolument. Il est important même de parler à son bébé car on peut avoir des moments de tristesse. Pour les plus grands, on donne des explications simples et on en dit un peu plus au fur et à mesure, mais on ne dit pas tout. Certaines choses appartiennent aux parents et n’ont pas besoin d’être entendues par les enfants. On raconte l’histoire progressivement, il n’y a pas d’urgence.
Même si on va bien, qu’on se reconstruit, est-ce qu’on peut dire qu’une partie des parents restera toujours endeuillée ?
Le deuil ne se finit jamais mais ce n’est pas pour autant que ça devient pathologique. Il y a un gros travail de transformation : les parents après ça, ne sont plus les mêmes, ils ont un autre rapport au monde, aux autres et s’aperçoivent souvent de ce qui est important ou non. Ils auront toujours une partie d’eux qui restera endeuillée et une autre qui sera tournée vers la vie et c‘est le travail du psy de faire cohabiter ces deux parties.
La place du coparent aussi est compliquée dans un deuil périnatal …
Il est fondamental d’accompagner les coparents qui sont eux aussi dans une grande souffrance. Ils sentent que c’est à eux de soutenir leur femme, ils reprennent souvent trop vite le travail et ravalent leurs larmes. Mais il leur faut un temps à passer en couple pour repenser, parler et partager ce qu’ils viennent de vivre. Souvent on leur demande « comment va ta femme ? » et eux on les oublie. Il faut les soutenir et créer des groupes de pères, de coparents, il y en a trop peu.
A noter:
Certaines associations et groupes de paroles soutiennent les parents endeuillés : AGAPA, Petite Émilie ; et, pour la perte de jumeaux : Maëlys.