« On pourrait avoir 12 bébés pour 2 adultes ! » : l'inquiétante réforme des modes d’accueil
La maison des Maternelles- 3 min 55 s
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Pour les membres du collectif, les propositions de la réforme ne vont pas dans le bon sens, ni pour l’accueil de l’enfant, ni pour les conditions de travail du personnel, déjà fragilisé. Bien au contraire, le collectif juge que la réforme s’ancre dans une logique économique, trop loin des considérations d’épanouissement des jeunes enfants et de préservation du personnel de la petite enfance.
Explications avec Julie Marty-Pichon, membre du collectif Pas de bébés à la consigne, mais également présidente de la FNEJE (Fédération Nationale des Educateurs. trices de Jeunes Enfants).
Les taux d’encadrement revus à la baisse
Aujourd’hui, le taux d’encadrement est, en collectivité, d’un adulte pour 5 bébés ne marchant pas, et 1 adulte pour 8 bébés marchant. Un taux que les professionnels de la petite enfance demandent à revoir à la hausse. Julie Marty-Pichon explique :
« Déjà, avec ces taux-là, on ne s’occupe pas des enfants exactement comme on le voudrait. Je vous laisse imaginer au moment du repas, avec un adulte pour 5 bébés… Nous ce qu'on voudrait, c'est déjà un adulte pour 5 enfants, marchant ou non.Et ce taux n'a rien d'extraordinaire : dans d'autres pays européens, on voit des taux de 1 pour 3, voire 1 pour 2. »
Mais la réforme propose un « droit d’option ». Ce dernier, laissé au bon vouloir du gestionnaire de la crèche, permettrait d’avoir un taux d’encadrement d’un adulte pour 6 enfants, quel que soit l’âge. Si, à première vue, on pourrait penser que c’est une bonne nouvelle, il n’en est rien, comme l’explique Julie Marty-Pichon :
« Nous on est d’accord avec le taux de 1 pour 6, à condition d’avoir un garde-fou d’un taux de 1 pour 5 pour les enfants qui ne marchent pas. Sinon, imaginez ! Cela veut dire qu’un gestionnaire qui le veut, peut mettre 12 bébés avec 2 adultes ! Non, c’est impensable. »
Moins de mètres carrés pour les citadins
Là encore, la réforme entend apporter une réponse au manque de place en crèche, en proposant, dans les grandes agglomérations, de baisser le nombre de mètres carrés par enfant. Aujourd’hui, il est de 7m2, mais pourrait passer à 5,5. Une aberration pour Julie Marty-Pichon :
« C’est la double peine ! C’est-à-dire que non seulement vous habitez en ville, dans des appartements souvent petits avec vos enfants, mais en plus, quand votre enfant est à la crèche, on perd de nouveau en surface ! Or, on sait que l’espace est essentiel dans le développement de l’enfant, particulièrement en collectivité. »
Crèche des pauvres, crèches des riches
Autre point de discorde : l’augmentation des agréments en micro-crèche. Si l’on peut y voir une façon, encore une fois, d’augmenter les places disponibles, Julie Marty-Pichon rappelle cependant un problème de taille :
« Les micro-crèches peuvent être très bien, ce n’est pas le souci. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’elles ont pour la plupart un système de financement PAJE, très différent des multi-accueils et crèches.
Concrètement, les parents qui ont leur enfant dans ce type de crèche ont un coût de garde important, et doivent avancer la trésorerie. Donc on se rend compte que ce genre de crèche ne crée pas de mixité sociale.
Vous avez donc d’un côté les crèches classiques, à qui l’on demande de favoriser la mixité sociale, à qui l’on demande d’accueillir les enfants porteurs de handicap, tout en baissant leurs moyens, et de l’autre, les micro-crèches, qui ne sont pas accessibles à tous et pour qui ce n’est pas grave de ne pas avoir de mixité sociale ou de pouvoir accueillir des enfants handicapés… C’est ce qui est en train de se dessiner : d'un côté des crèches de riches, et de l'autre des crèches de pauvres ! »
Un personnel malmené
Le personnel de la petite enfance souffre souvent du manque de reconnaissance : outre les salaires parfois bas dans le milieu et les conditions de travail difficiles, les professionnels ne se sentent pas entendus. Julie Marty-Pichon explique :
« On nous écoute, mais je ne suis pas sûr qu'on soit entendu. Pour tout ce qui touche au fonctionnement des structures, on ne tient pas compte de la recherche, ni de ce que disent les professionnels de terrain, qui n'en peuvent plus. On assiste à de nombreux burn-out, à des démissions de personnes qui avaient pourtant choisi ces métiers. On sait qu'il manque à peu près 200, 250 000 places d'accueil. Et donc il faut créer des places, et on les crée à n'importe quel prix ! Alors qu'il faudrait une vraie revalorisation de la filière et des salaires. »