Un père réalise l'exploit de faire les 10km de Tours avec son fils, porteur de handicap
La maison des Maternelles- 25 min 54 s
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Teddy et Ornella sont les parents de Gabriel, 9 ans, atteint d’une maladie appelée la leucodystrophie. Malgré leur jeune âge lors de l'arrivée de ce premier enfant et son handicap, le couple a tenu à avoir 4 autres enfants par la suite, tous en parfaite santé. Teddy a accepté de nous raconter l’arrivée de Gabriel, un évènement qui a changé sa vie.
LMDM : Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que vous alliez devenir papa à 19 ans ?
Teddy - À 19 ans on a encore toute la vie devant soi, on a encore une jeunesse à vivre. Et puis on devient papa. C’est absolument pas prévu. En tant que papa, on ne sent pas un bébé grandir en soi. Ce sont des choses qu’on ne peut pas sentir, qu’on ne peut pas forcément comprendre. Mais pour elle c’était clair, elle voulait le garder puisque l’ultimatum est venu : soit tu assumes avec moi, soit tu t’en vas. Mes parents m’ont donné des valeurs, m’ont bien éduqué là-dessus et il était hors de question que j’abandonne une jeune femme de 18 ans, qui est en plein dans ses études, avec un tout-petit. J’avais fait un choix par amour, parce que j’aime Ornella et puis je ne voulais pas l’abandonner, mais je n’avais pas choisi d’avoir un enfant.
Vous avez raté l’accouchement ?
Pour moi c’était quelque chose qui n’allait pas arriver. Alors oui, une grossesse dure 9 mois, mais dans ma tête ça allait durer des années. Un jour, Ornella m’appelle en me disant que c’est le moment. Au début il n’y a pas eu de rencontre avec le bébé, parce que pour moi je n’étais toujours pas papa. La seule chose qui m’intéressait c’était de savoir comment allait Ornella. Pour l’instant Gabriel ne comptait pas. Et puis l’auxiliaire de puériculture m’a regardé en me disant que ce serait bien que je prenne mon fils. J’ai essayé de chercher mille et une excuses, puis je m’assois et elle le met dans mes bras. Je le regarde, et puis comme un signe de la vie, je ne sais pas ce qu’il s’est passé ce jour-là mais il a ouvert les yeux et nos regards se sont croisés. Là je me suis senti père. Je suis tombé amoureux de lui. Il avait ses petits yeux bleus de nourrisson, il y avait Ornella à côté et je me suis dit que c’était peut-être ça la vie. C’est mon fils, c’est le sang de mon sang, c’est la chair de ma chair. Et puis cet enfant on l’a fait à deux, c’est un enfant d’amour.
À quel moment vous avez compris que quelque chose n’allait pas avec Gabriel ?
Aux alentours de ses 6 mois. On faisait les visites comme tous les mois, comme tous les nourrissons. Gabriel avait ce nystagmus [NDLR : mouvement d'oscillation involontaire causé par une perturbation de la coordination des muscles de l’œil]. Le médecin a fait un dernier test avant qu’on quitte son cabinet, il a mis la main de Gabriel autour de son doigt et Gabriel ne serrait pas, chose que tout nourrisson fait, c’est un instinct primaire. Donc il voulait à tout prix qu’on fasse des tests. Avec le premier IRM on voit qu’il y a un problème et puis tout va s’enchaîner.
Comment vous avez vécu cette annonce ?
Je suis dans le déni total. Ornella est toute seule face à ça. C’est une charge que je lui ai imposée, pas volontairement, mais elle gère ça toute seule parce que moi c’est pas possible. Au début on nous a annoncé un premier diagnostic. C’est le troisième coup de massue, on nous dit que c’est une maladie neuro-dégénérative, c’est une des leucodystrophies [NDLR : destruction du système nerveux], une des plus virulentes. On nous dit qu’il va falloir profiter des 8 prochaines années car c’est tout ce que vivra Gabriel. Là je me sens coupable, même si je ne suis pas croyant je me dis que la vie me punit : "tu n’as pas voulu cet enfant, tu voulais que ta femme ait une IVG, la vie te punit". C’est une maladie dégénérative, et là Gabriel évolue. Il commence à faire du quatre-pattes, il se tient sur ses genoux alors que ce sont des choses impossibles quand on a une leucodystrophie. Gabriel devient un mystère pour les médecins. Donc les examens s’enchaînent et puis un jour on nous convoque avec la même neurologue, toute souriante, qui nous dit qu’elle a une bonne nouvelle : Gabriel va vivre, et Gabriel va vivre très bien et même peut-être plus vieux que nous. Là c’est la deuxième naissance, là je vis la naissance de mon fils.
Vous avez une passion commune ?
Une passion pour la victoire ! Je suis tombé sur une affiche des 10 kilomètres de Tours. Je veux que Gabriel sente le vent sur ses joues, ses cheveux partir en arrière, je veux qu’il sente cette victoire en passant la ligne d’arrivée, ce qu’un enfant ordinaire pourrait vivre. Je me dis que s’il n’a pas de jambes, je serai les siennes. On a lancé l’aventure, entraînements après entraînements. L’équipement coûte très cher, je n’avais pas les finances. Et puis j’en parle à un des mes amis qui est soudeur, il me dit : "Ce soir, on fait un fauteuil dans ton garage et demain Gabriel sera dedans". On a passé la nuit à souder des morceaux de ferraille et le lendemain il avait un fauteuil. La première course se passe bien et on voit un engouement, la foule autour de nous qui nous applaudi. Je vois les yeux de Gabriel qui brillent, son sourire, il met les bras en l’air. Gabriel a sa médaille, sa victoire. Et moi aussi. Mon fils, c’est ma victoire.
Vous voulez faire passer un message ?
Il ne faut pas se dire que la maladie pose des limites. Que ce soit une leucodystrophie, un cancer ou autre, ce n’est pas à une maladie d’imposer des limites. C’est à nous de les poser. Ce n’est pas parce qu’on a un fauteuil qu’on ne peut pas faire une course. Ce n’est pas parce qu’on a un enfant malade qu’on ne pourra pas jouer au foot ou au basket avec lui, c’est faux. C’est à nous de poser nos propres limites, de faire notre propre vie. Quand on veut, on peut. Quand il y a l’impossible, on peut rendre les choses possibles.