Crise des 2 ans : les réponses d'un psychologue [vidéo intégrale]
La maison des Maternelles- 24 min 27 s
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Nombreux sont les enfants qui, arrivés à l’âge de deux ans, enchaînent les crises au point que leurs parents ne savent plus comment réagir. Notre invité Didier Pleux, psychologue, auteur de De l'enfant Roi à l'enfant Tyran aux éditions Odile Jacob, nous explique comment réagir face à ce phénomène.
LMDM : Est-ce que la crise des 2 ans arrive sans prévenir ?
Didier Pleux - En général, il y a eu des petits comportements avant. Si l’enfant, à deux ans, commence avec le langage à dire non, c’est une bonne chose. Il s’affirme, il commence à dire des choses, il s’exprime. Pour les enfants un peu introvertis, un petit peu en retrait, je crois que c’est bon de respecter cette phase là. Mais quand la phase se prolonge, devient une espèce de caricature et que le comportement est complètement déviant, il faut faire attention. Parce qu’un enfant est aussi, comme tous les êtres humains, branché pour le plaisir et ne veut pas arrêter son plaisir. Donc il utilise le non pour dire qu'il refuse toute frustration. Dans ce cas là, on est dans l’hypothèse, qui m’est chère, d’intolérance à la frustration.
Comment réagir face à cette intolérance à la frustration ?
Dans ce cas là, le parent, oui il respecte, mais surtout il agit ! Il doit dire à l'enfant : "Ok tu as des refus, mais nous on a un refus qui est encore plus fort". C'est là qu'il faut aider les parents, car si les parents sont simplement attentifs en se disant : "C'est bien, il s'exprime, il s'affirme, c'est une étape incontournable"... ça va être compliqué ! Un enfant qui s’oppose avant, pendant et après, il y a un problème avec le principe de réalité. C’est une phase où l’enfant se heurte au principe de réalité, il veut rester dans son plaisir, il faut que le parent tienne bon, en disant : "Tu dis non, on respecte ça mais nous c’est un super non".
Comment expliquer que cette crise soit différente d'un enfant à l'autre ?
Parce qu’il y a des tempéraments différents ! Vous avez des enfants plus distanciés, plus réservés, mais il y en a d’autres qui sont des chevaux fougueux, qui sont plus dans l’appétence de la vie . Et là, on le voit avec les neurosciences, ces enfants ont un striatum [NDLR : partie du cerveau qui remplit les objectifs de survie et pouvant relâcher de la dopamine, la molécule du plaisir] qui se développe un peu trop, ce qui fait que le cortex [NDLR : couche de substance grise située à la surface du cerveau, responsable des fonctions les plus élevées] est très faible.
Pour ces enfants là, il va falloir se substituer à leur manque de "réflexion" pour les conditionner à se calmer et à tempérer leur avidité. Mais c’est vrai qu’il n’y a pas égalité, il y a des tempéraments différents. Pour ces tempéraments là que je décris, qui ont un problème à être toujours dans le plaisir, c’est en amont qu’il faut intervenir.
C’est quoi cette autorité en amont ?
L’autorité en amont, ce n’est justement pas l’autorité en aval où on va se mettre à crier : "Va dans ta chambre". L’autorité en amont c’est de vérifier : est-ce que je ne suis pas trop en train de survaloriser mon enfant ? C’est-à-dire de tout le temps dire : "Tu es beau, c’est formidable ce que tu as créé", etc. Est-ce que je ne suis pas en train de le sur-stimuler ? S'il a tout le temps des choses, jamais d’ennui, d’arrêt. Est-ce que je ne suis pas en train d’être dans la surconsommation ? Avec des écrans, des trucs, des histoires...
Parce que c’est ça la surconsommation. C’est être tout le temps dans le plaisir, que ce soit avec un écran ou quelqu’un. C’est ça qu’il faut regarder en amont. Je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas valoriser, protéger, consommer. Mais si mon enfant est tout le temps dans du plus, dans l'excès, alors il peut développer une appétence constante : toujours plus, plus, plus. C’est ça qu’il faut freiner en amont. Ça ne veut pas dire qu’il faut le casser. Ça veut dire qu’on atténue : tout ce qui serait bien pour un autre enfant, ces enfants là, ça les surdimensionne, ça les rend tout-puissant, c’est ce qu’on appelle une hypertrophie de l’égo.
Pouvez-vous décrire cette hypertrophie de l'égo ?
L'enfant est toujours en train de quémander, jamais content, et ensuite il y a l’instrumentalisation des parents, c’est-à-dire que je vois des enfants qui parfois le soir exigent la même histoire. C’est plus une histoire du soir, ce qui l’intéresse de voir papa ou maman chosifier. C’est-à-dire : "j’ai envie de ça et ils font ça". Donc je dis à ce moment-là, c’est horrible, mais ne faites pas d’histoire tous les soirs. C’est complexe mais c’est bien en amont qu’il faut vérifier : est-ce que mon enfant a des moments de temps en temps "déplaisants" ? Les parents que je rencontre ne sont ni permissifs ni laxistes, mais ils ne savent pas qu’il faut du déplaisant et du frustrant.
Que peut-on leur faire faire de "déplaisant" ?
Dès 3 ans on peut mettre le couvert. Dès 2 ans et demi on peut amener je ne sais quel aliment au petit poisson. On peut prendre une photo et l’envoyer à mamie qui n’a pas eu de nouvelles. Des petites choses qu’ils n’ont pas forcément envie de faire. C’est ça l’histoire de la frustration et du déplaisant. "Tu n’as pas envie ? Oui mais mamie existe et il faut lui envoyer". "T’as pas envie mais il faut quand même ranger". Avec toutes ces petites choses en amont, l’enfant s’habitue : "Ah je ne peux pas faire ce que je veux, je ne peux pas faire tout ce dont j’ai envie". Non, pas tout le temps, ce n’est pas possible.