"Mon mari est décédé alors que j'étais enceinte de 3 mois" : survivre au deuil enceinte
La maison des Maternelles- 5 min 31 s
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Hélène Romano est psychothérapeute, auteure de nombreux ouvrages sur le deuil et le traumatisme, dont "Quand la vie fait mal aux enfants". Deborah est la maman d'Hugo, 7 ans. Son mari est décédé lorsqu’elle était enceinte de trois mois. Toutes deux nous aident à comprendre l’épreuve que traversent les femmes enceintes qui perdent leur conjoint.
Un choc émotionnel intense
Vivre un deuil alors qu’elle est enceinte plonge la femme dans une ambivalence émotionnelle qui est très difficile à gérer. Elle se retrouve partagée entre la douleur de la mort et la vie à naître qu’elle porte en elle. Pour Deborah qui a appris qu’elle était enceinte le jour de la mort de son mari, c’était un cataclysme :
« On hurle, on a l’impression que nos entrailles sont déchirées. On ne se sent même plus exister. C’est insurmontable. Dans les premiers jours on se sent vide intérieurement, le temps est figé. J’ai ressenti très tôt les coups dans le ventre, c’est mon bébé qui me maintenait en vie.»
Le bébé ressent-il le stress ?
On sait grâce aux neurosciences que la maman transmet au bébé son stress au bébé. Ce n’est évidemment pas de sa faute car elle ne peut pas lutter contre de telles émotions. Hélène Romano nous explique qu’il est néanmoins important de le savoir pour pouvoir rassurer son bébé :
« Il ne faut pas culpabiliser les mamans qui font ce qu’elles peuvent dans des conditions absolument tragiques. Il faut les aider à parler à leur bébé in-utéro, qu’elle leur explique qu’elles sont très tristes. Cela les apaise. »
Ces situations entraînent souvent beaucoup de critiques, de jugements, l’entourage peut parfois être pesant en donnant son avis sur la façon dont la femme doit gérer ses émotions et sa grossesse.
À chaque situation ses réactions
Le stade de la grossesse, le fait que la mort soit accidentelle ou non, tout cela peut influer la manière dont on se prépare à accueillir le bébé. Pour la thérapeute, le contexte est très important :
« C’est très différent : par exemple si le conjoint est malade et que la femme est enceinte c’est une mort "attendue", qu’on peut anticiper : le père peut faire une reconnaissance anticipée de paternité, l’enfant pourra porter le nom de son père... Il y a une sorte de préparation et de transmission qui est importante pour l’enfant. C’est aussi différent selon le stade de la grossesse (l’enfant aura plus ou moins eu le temps d’être pensé à 2, le prénom choisi ou pas) et selon le contexte : le deuil sera plus compliqué dans certains cas (crash d’avion, tsunami, suicide...). »
L’importance de l’entourage
Pour ces femmes en détresse, le soutien de l’entourage, des équipes médicales en charge de la grossesse, de la famille est primordial. Pour Deborah cela a été une véritable béquille sur laquelle s’appuyer afin de tenir le coup, même pendant l’accouchement :
« Ma sœur a pris beaucoup soin de moi pendant la grossesse, je suis allée habiter chez elle. Mais elle ne se sentait pas d’affronter le moment de l’accouchement, donc ma meilleure amie s’est proposée. En salle de naissance j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, j’ai hurlé, et au moment où j’allais pousser j’ai eu un blocage, j’ai dit : "Il n’est pas là je peux pas !". Ma meilleure amie m’a prise dans ses bras et m’a dit : "Nous on sera là, je serai là, tu peux le faire, tu ne seras jamais seule, il faut qu’Hugo sorte maintenant". Ça m’a débloquée car je me sentais envahie d’amour. »
Les femmes enceintes qui se retrouvent dans cette situation sont souvent très seules. Hélène Romano nous parle du tabou qui entoure ces femmes dans la société :
« La femme enceinte qui se retrouve endeuillée est très taboue. Elle porte la vie, mais en même temps la mort rôde autour d’elle. Ce sont des femmes très souvent isolées, très seules et abandonnées. On les incite à faire comme si tout allait bien. »
Un lien avec le bébé qui peut être difficile dans les premiers temps
Après la naissance, il se peut que le lien entre la maman et le bébé soit plus long à établir. Celle-ci peut ressentir encore plus fort l’absence du père et les émotions contradictoires qu’elle ressent peuvent ralentir un peu le processus d’attachement. Pour Deborah il a fallu trois jours pour créer le lien avec son fils, elle ne s’est pas sentie maman tout de suite et s’en est sentie coupable. Trois jours, c’est finalement assez rapide selon la psychothérapeute :
« Être maman, c’est une trouvaille psychique, il n’y a pas d’instinct maternel. Pendant sa grossesse, Deborah a été dans un état de sidération émotionnelle, d’anesthésie des émotions, donc c’est tout à fait normal qu’elle ait eu besoin de temps pour aimer véritablement son bébé. Trois jours c’est même court. »
C’est d’ailleurs un phénomène qui ne touche pas uniquement les femmes ayant vécu un drame durant leur grossesse.
Se reconstruire, c’est possible
Deborah tient aussi à faire passer un message d’espoir, aujourd’hui elle est avec un compagnon qui prend soin d’elle et son fils, elle a pu se reconstruire après les épreuves qu’elle a vécu :
« Bien sûr j’ai peur qu’il puisse s’en aller, j’ai longtemps fait des cauchemars, mais il a été là pour me réconforter et il considère Hugo comme son fils. C’est vraiment un cadeau de la vie de pouvoir refaire ma vie avec lui. J’espère que mon témoignage pourra donner un peu d’espoir. »