La justice sous l'Occupation

Pourquoi et comment le régime de Vichy, autoritaire, ultra-conservateur, xénophobe et antisémite, a-t-il réussi à imposer sa légitimité, en usant non seulement de moyens répressifs, mais aussi grâce à l'aide des magistrats et du droit ? De l'amende à la prison, des travaux forcés à la peine capitale, jamais autant de peines n'ont été prononcées, jamais autant de Français n'ont été traduits en justice que sous l'Occupation. Du tribunal correctionnel jusqu'aux sinistres cours martiales en passant par les sections spéciales, comment la justice française a-t-elle pu ainsi devenir un élément clé dans la collaboration avec les Nazis ? Comment ses rouages ont-ils pu devenir un étau, l'instrument froid de la répression politique, des persécutions antisémites et de la lutte à mort contre les communistes et les résistants ? Comment comprendre les paradoxes qui traversent cette histoire étonnante, largement méconnue, qui n'a de sens qu'en intégrant la période de la Libération ? Ainsi, l'immense majorité des juges, déjà en poste sous la Troisième République, a prêté serment au maréchal Pétain. Ce sont les mêmes qui au bout de quatre ans participent aux tribunaux de l'épuration. Le juge est-il fait pour appliquer la loi, quelle qu'elle soit, et quel que soit le régime politique dont elle est l'expression ?Avec ces grands écarts et ces chassés croisés troublants, à travers les destins de magistrats et de justiciables en situation extrême, le film invite à s'interroger sur les questions essentielles pour une société démocratique des rapports du judiciaire au politique, de la tension inévitable entre la garantie des libertés individuelles et la sauvegarde de l'ordre social et national, entre le respect de la dignité humaine et la raison d'Etat.